Groupe X-Démographie-Economie –Population
Exposé du Mercredi 16 Novembre 2005
La démographie des langues.
Par Michel Malherbe
Président de l’Association " France-Ukraine "
Auteur du livre " Les langues de l’humanité "
Cheville ouvrière de la collection " Parlons X "
(X : déjà 104 langues parues et plus de 100 autres en préparation)
" Les langues naissent, grandissent, vivent, évoluent, se scindent, se figent, vieillissent et meurent ".
D’entrée de jeu Michel Malherbe est en plein dans son sujet...
Il y a aujourd’hui environ trois mille langues parlées sur Terre dont quatre cent en Afrique. Ce compte ne peut bien sûr qu’être qu’approximatif car les limites d’une langue sont nécessairement floues et bien des langues portent plusieurs noms différents comme le soninké (à cheval sur le Mali, le Sénégal et la Mauritanie) appelé aussi sarakollé ou bien le peul parlé dans le Sahel, de l’Atlantique au Darfour, et connu sous de multiples autres noms.
Il est bien difficile de définir ce qu’est une langue, bien sûr il y faut l’intercommunication, mais les subdivisions en dialectes locaux ne doivent en principe pas être comptées. Il arrive d’ailleurs que cette subdivision empêche l’intercommunication entre les groupes les plus éloignés, tout en la permettant entre ceux suffisamment voisins...
Il y a des cas extraordinaires, ainsi le minuscule archipel mélanésien du Vanuatu compte plus de cent langues à lui tout seul... Citons aussi ces vallées du Caucase où la haute vallée connaît une première langue, la moyenne vallée une deuxième et la basse vallée une troisième ! (Dans ces cas là les gens d’en haut connaissent en général la langue de ceux qui sont plus bas... mais l’inverse est plus rare).
Les langues créoles sont un mélange d’une langue européenne (français, anglais, espagnol, portugais...) et d’une, ou plusieurs, langues africaines. On les appelle aussi, pidgin, sabir, etc.
Les langues naissent bien sûr en fonction d’un besoin de communication, mais l’on estime que sur les 500 000 à 2 millions d’années qu’a vécu l’humanité, seules les dernières 100 000 ont connu le langage articulé.
Il semblerait que les langues indo-européennes soient nées aux environs des pays baltes avant de se répandre par migration, tandis que la paléosibérien a donné le turc et une partie du russe.
Parce qu’ils craignaient pour l’unité de la Nation, les dirigeants de la Troisième République se sont comportés d’une manière parfaitement " linguicide " en interdisant les langues locales à l’école et dans les administrations. Je pense que c’était tout à fait inutile et qu’il valait mieux les laisser mourir de leur belle mort sans les opprimer, comme tant de langues actuelles en voie de disparition. Aujourd’hui on ne compte que 4000 enfants dans les écoles diwan sur 400 000 enfants bretons scolarisés. Notons en passant que, contrairement à l’opinion courante, c’est au gallois que la langue bretonne ressemble le plus, le gaélique lui est resté très archaïque.
On pense qu’autrefois, il y a disons 40 000 ans, quand les hommes n’étaient que quelques millions, les langues étaient l’apanage de petits groupes d’environ mille personnes lesquelles vivaient sur un territoire bien délimité et en interdisaient l’entrée à tous les autres hommes " qui ne parlaient pas leur langue ". Ces territoires étaient largement séparés les uns des autres par des territoires neutres, comme aujourd’hui en Nouvelle-Guinée ou bien il y a deux siècles en Nouvelle-Calédonie... En somme il pouvait déjà y avoir trois mille langues sur la Terre !
Il est possible d’étudier l’évolution de certaines langues sur une longue durée, ainsi 3000 ans pour le grec et plusieurs langues chinoises, et, contrairement à l’opinion courante, ce n’est pas la forme écrite qui est la plus stable, elle évolue même assez rapidement tout comme le vocabulaire. Ce qui est le plus stable c’est la grammaire et la phonétique, en particulier la place des accents.
Il y a aujourd’hui 25 systèmes d’écriture, mais l’écriture latine est très prépondérante, elle représente 75% des écrits modernes. Les autres écritures les plus courantes sont : A) En Europe le grec et le cyrillique (Russie, Ukraine, Biélorussie, Bulgarie, Serbie). B) En Afrique : l’arabe et l’amharique (Éthiopie). C) En Asie : l’arabe, l’hébreu, les écritures indiennes : devanãgari, tamoul, dravidien, bengali... les écritures birmanes, thaï, khmer... le chinois en rupture totale avec la phonétique et plein de monosyllabes (ce sont les idéogrammes qui font l’unité de la Chine, mais les diverses langues parlées : mandarin, shangaïen, cantonnais, etc. sont très différentes et ont besoin de traducteurs), le japonais, écriture mixte avec le kata kana pour les mots étrangers et le mura kana pour la langue ordinaire. Mentionnons au passage le contraste avec la simplicité de l’écriture coréenne.
Les numérations sont le plus souvent à base 10, mais il y en a à base 5 et à base 20. N’oublions pas la numération remarquable à base 60 des anciens Babyloniens, numération qui leur a permis un développement scientifique très important et qui nous a été léguée dans la division du temps (heure, minute, seconde) et dans celle des angles (degré, minute, seconde). Le mot " seconde " vient d’ailleurs de " la seconde division sexagésimale de l’heure, du degré... Cette division se poursuivait autrefois avec les mots " tierce ", " quarte ", " quinte " et jusqu’au dix-huitième siècle les calculs des astronomes et de la plupart des scientifiques se faisaient en base 60.
Les rapports de force des langues sont essentiellement des rapports démographiques et politiques, mais il y a tout de même quelques éléments proprement linguistiques. Le russe a emprunté directement nombre de mots hollandais pour la marine et de mots français pour les mathématiques. Le français reste une langue de communication, langue seconde de nombreux peuples, jouant un rôle bien plus important que telle ou telle langue indienne comptant pourtant plus de locuteurs.
On regroupe traditionnellement les langues en familles de même origine. Les langues iraniennes font partie de la famille indo-européenne laquelle se divise en Europe en langues slaves, germaniques et romanes. On regroupe de même les langues sémitiques : arabe, hébreu, amharique et la langue haoussa aux verbes invariables, mais avec les mots " passé ", " présent ", " futur " ; les langues chinoises : mandarin, shangaïen, cantonnais ; les langues dravidiennes du sud de l’Inde ; les langues bantoues aux structures fixes et rigides avec des préfixes caractéristiques ; les langues de Madagascar, de l’Indonésie, de la Polynésie (groupe malayo-polynésien ) ; les cent langues des aborigènes d’Australie ; le groupe finno-ougrien très particulier (finnois, lapon, hongrois...) ; le cas spécial des langues papoues...
Il n’y a pas moins de trois groupes de langues dans le Caucase, et le Daghestan russe compte quarante langues... Il y a aussi des langues entièrement isolées comme le basque et le bourouchasky (dans les montagnes de l’extrême nord pakistanais).
Notez enfin des singularités comme les langues agglutinantes d’Asie centrale, les langues sifflées des îles Canaries et du Cap Vert et les langues " de clics " chez les Hottentots d’Afrique australe... et vous aurez une petite idée de l’extraordinaire diversité de cet aspect de la culture humaine.
_______
Les douze langues les plus parlées dans le monde (en millions de locuteurs).
_____
langue maternelle |
langue seconde |
total |
|
Chinois de Pékin |
800 | 200 | 1000 |
Anglais | 350 | 250 | 600 |
Hindi-Ourdou | 320 | 100 | 420 |
Espagnol | 315 | 15 | 330 |
Russe | 165 | 120 | 285 |
Indonésien-Malais | 50 | 140 | 190 |
Portugais | 155 | 20 | 175 |
Arabe | 140 | 30 | 170 |
Bengali | 150 | - | 150 |
Français | 75 | 55 | 130 |
Japonais | 125 | - | 125 |
Allemand | 90 | 10 | 100 |
Bien entendu ces nombres, qui concernent la fin du vingtième siècle, ne peuvent prétendre à une grande précision.
Les langues d’origine européenne
(par ordre décroissant du nombre des locuteurs et parlées par au moins un million d’hommes)
Les langues de l’Afrique Noire
(par ordre décroissant du nombre des locuteurs et parlées par au moins un million d’hommes)
Près de la moitié des Africains subsahariens ont pour langue maternelle une langue parlée par moins d’un million de locuteurs. Ainsi les Soninkés du Mali, du Sénégal et de Mauritanie ne sont guère que 500 000 en Afrique, mais ils sont près de 100 000 dans la communauté africaine de France, à tel point que les Peuls de France apprennent souvent le Soninké !
Ajoutons que le Malgache, langue malayo-polynésienne, compte 11 millions de locuteurs.
Les langues de l’Asie et du Moyen-Orient
(par ordre décroissant du nombre des locuteurs et parlées par au moins dix millions d’hommes)
______
Questions