X-DEMOGRAPHIE, ECONOMIE, POPULATION

CONFERENCE DU 18 NOVEMBRE 1998

LES NATIONS SUICIDAIRES

Par Yves-Marie Laulan, économiste et banquier (Société générale), membre de plusieurs cabinets ministériels successifs puis de grandes institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OTAN), ancien Directeur du Crédit municipal de Paris, professeur d’économie à l’Université Paris 2 (Panthéon-Sorbonne).

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" Les Nations suicidaires " est le dixième livre de Yves-Marie Laulan. C’est un ouvrage pathétique, sous l’alternance de l’humour et de l’analyse scientifique, qui commence par : " L’Occident se meurt, l’Occident est mort. Enfin presque. Mais il ne le sait pas... "

Professionnellement habitué à sonder les coeurs et les reins l’auteur met à jour nos réflexes suicidaires, le " vouloir mourir " inconscient que révèlent tant de nos idées dominantes et de nos lois nouvelles.

Mais commençons par le commencement.

Les projections démographiques actuelles de l’ONU présentent l’an 2050 avec ce titre ‘’L’Humanité dans la force de l’âge ’’et chiffrent à 9 ou 10 milliards le nombre prévisible des êtres humains à cette époque. Notons cependant qu’il y a à peine dix ans on prévoyait encore 12 milliards pour cette même date...et que les prévisions continuent de baisser avec rapidité une année après l’autre.

La raison principale de cette baisse rapide est le vieillissement de toutes les nations, mais surtout des nations occidentales. Ce vieillissement est essentiellement dû à deux facteurs : une augmentation importante et quasi mondiale de l’espérance de vie et une baisse concomitante, tout aussi générale, de la fécondité. Cette baisse prend une tournure dramatique dans des pays comme l’Espagne ou l’Italie (nombre d’enfant par femme : 1,2) et surtout en ex-Allemagne de l’Est (0,8 et jusqu’à 0,6 dans plusieurs grandes villes).

Y a t-il prise de conscience de cette situation? On voit apparaître ça et là des articles du genre " l’explosion démographique n’aura pas lieu ". Mais, quand ils sont au courant, la plupart des gens se réjouissent de voir fuir cet épouvantail et ne pressentent nullement les difficultés extrêmes qui les attendent si l’on ne se décide pas à avoir une politique plus équilibrée évitant aussi bien l’explosion que le vieillissement et l’effondrement.

Confronté à cette situation la plupart des responsables politiques ne veulent rien faire avec des arguments allant de " On ne peut rien faire !" à " Cela n’a pas d’importance ! ", mais au moins aucun responsable ne conteste plus les chiffres eux-mêmes.

Il faut néanmoins considérer avec réalisme la situation vers laquelle nous irions si nous continuions à nous laisser dériver.

A) L’Occident ne deviendrait qu’une petite minorité vieillie du monde de demain : 7 à 8% d’ici 30 ou 40 ans.

B) L’avance technologique de l’Occident n’est pas éternelle. Ainsi l’on vient de voir l’Inde et le Pakistan procéder à des essais nucléaires.

C) Les idées occidentales les meilleures, démocratie, droits de l’homme, n’ont pas la séduction que nous imaginons (Iran, Irak, Algérie, Congo, Ruanda, Soudan, Afghanistan, Tchétchénie, Chine...).

D) Les communautés en expansion ne s’assimilent pas et le " melting pot " américain ne fonctionne plus. La société américaine se fragmente sous nos yeux (Latinos, Noirs, Asiatiques...). Les " Wasp " (White, Anglo-Saxon, Protestant) qui ont fondé la civilisation américaine vont se retrouver minoritaires dès 2020 avec le risque évident que leur civilisation se détraque, ses valeurs étant désormais contestées et ne pouvant plus s’imposer.

Le leader Noir-Américain Farrakhan réclame déjà l’interdiction des mariages interraciaux et la séparation des Noirs et des Blancs, et l’on voit se développer une justice de clans et de rapports de force entre clans comme l’a montré l’acquittement du footballeur noir J. O. Simson pourtant convaincu d’avoir assassiné sa blonde et volage épouse de trente-sept coups de couteaux...Ce qui est tout de même la preuve d’une forte détermination !

On parle ici et là de la montée du " multiculturalisme " mais c’est évidemment une illusion et chaque civilisation a mis des milliers d’années à se constituer.

Parmi les raisons de l’évolution présente et à côté de la baisse importante et continuelle de la fécondité il faut mentionner la perte du sens de l’identité.

Pourquoi donc des peuples ô combien maltraités : les Cajuns, les Irlandais, les Juifs, les Tsiganes ont put néanmoins " traverser le mur du temps " ? C’est qu’ils avaient à la fois une forte fécondité et un sens très profond de leur identité.

En sens inverse les Drouros d’Amazonie et les Iks d’Afrique sont en train de disparaître, tués par un taux de suicide très élevé et une perte complète de leur identité.

Certes les massacres classiques ou microbiens peuvent emporter une civilisation (l’échange des microbes entre les marins de Colomb et les Indiens des Antilles entraîne en moins de trente ans cinq sixièmes des Amérindiens et un tiers des Européens dans la mort : tuberculose et rougeole d’un côté, syphilis de l’autre...). La fusion-absorption, cas des Celtes, est aussi très efficace.

C’est cependant un troisième point qui, en l’occurrence, est le plus grave : la passion suicidaire, la " culture de mort " dénoncée par le pape Jean-Paul 2 et qui se traduit par le culte du plaisir, le triomphe de l’hédonisme dont voici quelques manifestations :

A) Le " mariage gay " et l’homosexualité de masse (1/3 de la ville de San Francisco), rappelons que le Lévitique les condamne strictement (18-22) et que les homosexuels ne sont pas particulièrement féconds.

B) Le sport-spectacle et deux millions de personnes fêtant le succès du " mondial " sur les Champs-Elysées : ‘’du pain et des jeux’’, panem et circences...Comble de la bêtise certains hommes politiques on cru , quelque temps , trouver là un substitut au patriotisme et au civisme !

C) La peur de mourir et le soucis obsessionnel de la santé. Pour le plus grand nombre aucune cause ne justifie plus que l’on risque sa vie.

D) Le refus du travail, le RMI considéré comme un droit normal et non comme un dépannage provisoire. Mais la société se préoccupe peu de faire une vraie place aux jeunes et le RMI n’est qu’un cautère sur une jambe de bois. Il faudrait une éducation véritable y compris civique.

E) L’humanitarisme style Bernard Kouchner et l’écologie, les idées molles remplaçant les idées fortes.

F) Notons enfin le défi du siècle : la place de la femme dans la société. Aucune nation n’a trouvé de conciliation pratique, satisfaisante et raisonnable entre la maternité et le désir d’activité professionnelle des femmes d’aujourd’hui. Le plus souvent les femmes sont contraintes de choisir : activité professionnelle ou maternité.*

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* Relevons au passage le caractère injurieux de cette question aujourd’hui banale : " Est ce que votre femme travaille ?", comme si une mère au foyer passait sa journée à ne rien faire! Pour beaucoup le mot ‘travail’(activité utile à la société) est devenu ‘activité qui rapporte de l’argent’. Les gangsters parlent de leur ‘’travail’’.

En bon français la vraie question est bien sûr " Est ce que votre épouse, votre mari, exerce une activité professionnelle ? " (ou à la rigueur une activité salariée) .

Le résultat évident de ces contradictions est une société mal dans sa peau où existent de nombreux ‘’quartiers sensibles’’ témoignant aussi bien de l’échec de l’assimilation à la française que de celui du communautarisme américain.

Ajoutons à cette situation d’une part la baisse continue des capacités de défense, le budget militaire n’est plus que 2,2% du produit national brut, et d’autre part un potentiel d’immigration formidable : dans vingt cinq ans l’Afrique dépassera le milliard d’habitants...et les transports sont maintenant bien plus aisés que dans le passé.

Quelles conclusions tirer de tout cela ?

Nous faisons face à un défi formidable ; avec il est vrai des solutions possibles pourvu que nous acceptions d’ouvrir les yeux. Il est clair que le maintien conscient ou non des illusions actuelles ne peut que conduire au désastre.

L’orateur termine son exposé avec une image poétique : un jeune enfant de l’Inde s’approche d’un vieux sage accroupi au bord de la route et lui demande : " cet oiseau que j’ai capturé, dois-je le garder ou le laisser partir ? ". Mais le sage lui répond : " son destin est entre tes mains ". 

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L’exposé d’Yves-Marie Laulan a provoqué une certaine stupeur et les questions fusent de partout.

" Vous avez parlé des valeurs occidentales, mais n’y a t-il pas lieu d’admettre qu’il y a du pour et du contre ? ".

" Certes et dans notre siècle l’Occident a aussi apporté le Nazisme et le Communisme... On voit par ailleurs certaines valeurs se perdre ainsi l’Irlande perd les siennes dans la laïcisation et l’abandon progressif du gaélique ".

Philippe Bourcier de Carbon cite un exemple particulièrement choquant de valeurs piétinées : les entreprises chargées de la construction des bâtiments nécessaires à l’installation du gouvernement allemand à Berlin ont, sans le proclamer explicitement bien sûr, clairement fait comprendre que les candidates secrétaires qui se seraient fait lier les trompes aurait priorité à l’embauche...afin d’éviter les pertes d’argent et les ennuis associés aux congés de maternité !

Emmanuel Ransford renchérit : la pression de la concurrence, la disparition des repères, un grand nombre de choses poussent à l’abandon des valeurs positives. Ne pensez vous pas que l’on pourrait au moins changer de discours pour réhabiliter les valeurs familiales ? " Non, quand les allocations familiales baissent de 3,7% à 0,9% du PIB c’est vraiment un choix politique et seule une présentation scientifique et neutre des conséquences peut faire évoluer les idées ".

Jules Leveugle : " Ne croyez-vous pas que les autres nations auront des problèmes analogues un peu plus tard ? ".

" Oui bien sûr, mais cela ne nous sauvera pas. On risque de voir apparaître des non-civilisations dont les immenses bidonvilles du Mexique ou du Nigeria peuvent nous donner une idée. On assistera peut-être même à un retour de la bestialité. Cependant je pense que les nations-masses, l’Inde et la Chine, survivront ".

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Référence

Les Nations suicidaires , par Yves-Marie Laulan (1998).

Editeur : François-Xavier de Guibert. 3 rue Jean-François Gerbillon 75006 Paris.

Bien entendu ce livre ne reçoit pas la moindre publicité des médias actuels : il déplaît, c’est pourquoi c’est à nous de le faire connaître.

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