Groupe X-Démographie-Economie –Population
Premier exposé du Mardi 4 Avril 2006
La
France et ses immigrés : une analyse saine et sans complaisance
par Gaston Kelman
auteur des livres
remarquables : « Je suis noir et je n’aime pas le manioc »
et « Au-delà du Noir et
du Blanc »
Monsieur
Kelman commence en se présentant fièrement : « J’ai choisi d’être
Français, j’ajoute qu’étant Noir il m’est possible de dire bien des choses
vraies, mais ‘’politiquement incorrectes’’ qu’aucun Blanc n’oserait
soutenir ; pour cela mon métier d’écrivain est très utile »
L’enjeu
essentiel est la définition de la citoyenneté. Quel regard le migrant porte sur
la société ? et quel regard la société porte sur les migrants ?
Nous
connaissons tous les difficultés des migrants d’aujourd’hui, analphabétisme,
problèmes linguistiques, souvent culture non chrétienne, différences
climatiques et sociales, etc. Il y a cependant un point souvent ignoré et que
je voudrais souligner : Les migrants de l’entre-deux-guerres, Italiens, Espagnols,
Polonais, Russes, fuyaient des dictatures et choisissaient la France parce que
c’est un pays de liberté, ils n’avaient à peu près aucun espoir de retour au
pays natal et élevaient leurs enfants dans cette idée. L’intégration en était
évidemment très facilitée.
Les
migrants d’aujourd’hui, essentiellement Maghrébins ou Africains, ont longtemps
pratiqué des aller-retour périodiques entre l’Europe et leur pays d’origine.
Mais les cartes de séjour et le regroupement familial transformèrent assez
rapidement ces habitudes en immigration de longue durée. Cependant le sentiment
dominant reste souvent l’idée du retour final au pays natal, ce qui fait que
leurs enfants ne savent pas toujours quelle idée directrice choisir pour
orienter leur vie. Un indice de cet état d’esprit est la fameuse
« assurance rapatriement de corps » très répandue chez les étudiants
africains : quoi qu’il arrive, je serai enterré au pays.
Une
deuxième différence essentielle est l’histoire de l’esclavage et de la
colonisation. Certes il y a quelques éléments positifs comme Félix Éboué, noir
et gouverneur du Gabon pendant les décisives années quarante, Gaston
Monnerville président du Sénat, les combattants africains ou maghrébins de la
France Libre - tous volontaires - , l’épopée victorieuse des adversaires de
l’esclavage, Victor Schœlcher, François Arago... Mais trop souvent le migrant
n’arrive pas à sortir de la perspective historique pour prendre une perspective
citoyenne : l’Histoire n’a de sens
que si elle favorise le vivre-ensemble et aide à éviter de recommencer les
erreurs du passé.
Bien
entendu si les Africains cultivent volontiers le dolorisme, symétriquement
beaucoup de Français de souche ont un profond sentiment de culpabilité. Je
raconte volontiers l’exclamation de cette dame qui m’a dit : « Moi,
ça me gêne que tous les vigiles soient des Noirs » et à laquelle j’ai
répondu : « Moi, cela ne me gêne pas du tout, après tout, tous les
limonadiers sont bien Auvergnats ! ». Une autre me dit : « Quand
je pense que tant de belles maisons de Nantes sont le fruit de
l’esclavage ! », ce à quoi j’ai répondu : « Cette
beauté est en effet l’une des très rares choses de bien qu’il reste de
l’esclavage. Allez-vous brûler la Sainte Chapelle et le Château de Versailles,
sous le prétexte qu’ils sont le fruit du servage ? ».
Il
faut bien se mettre dans l’idée que l’esclavage n’est plus d’actualité (sauf
dans quelques pays reculés qui ne sont pas la France) et personnellement je
n’ai pas souffert de l’esclavage, pas même par parents ou grands-parents
interposés. L’important c’est le futur ; cultiver le dolorisme ou le
sentiment de culpabilité revient à utiliser la technique du bouc émissaire et
empêche, ou du moins gêne, les efforts nécessaires pour progresser
personnellement.
Un auditeur fait remarquer que l’esclavage a
été la plaie universelle de l’humanité dans tous les millénaires du passé, sur
tous les continents et presque toutes les îles : Bien entendu, et les
civilisations ne diffèrent que par le moment où elles ont répudié l’esclavage.
On peut
faire des remarques très voisines en ce qui concerne la colonisation, phénomène
souvent très brutal et qui a frappé l’Afrique d’une manière beaucoup plus
étendue. Soyons réalistes, les « côtés positifs de la colonisation »
ne sont bien souvent que des à-côtés essentiellement au service du
colonisateur, ainsi les infrastructures, ports, voies ferrées, routes conçues
dès le départ pour la « mise en valeur » du territoire, pour
desservir les meilleures mines, les régions de cultures les plus rentables... Je
ferai tout de même une exception pour les services de santé qui ont fait un
travail remarquable dans des conditions très difficiles et je reconnais bien
volontiers qu’avant la colonisation l’Afrique a connu autant de guerres
internes, d’esclavage et d’oppressions que les autres continents.
Nous
devons nous pencher sur la notion de « culture », c’est
essentiellement ce que l’on est « hic et nunc », ici et
maintenant, : éducation + religion + savoir-faire + quartier de vie +
siècle où l’on vit. La culture est en perpétuelle évolution et de ce point de
vue un citadin d’aujourd’hui est plus proche de la plupart des autres citadins
des grandes métropoles que de son arrière-grand-père ou même de son grand-père.
La
tradition est ce qui met en harmonie avec l’environnement physique personnel et
l’on doit y inclure les outils correspondant (rites, habitudes, vêtements
adaptés au climat et au métier, etc.).
Les
« valeurs » représentent pour l’instant un domaine figé, elles
mettent en harmonie avec l’environnement social. En Occident ce sont
essentiellement les « dix commandements », il faut y inclure les
aptitudes à la communication et au respect des autres.
Le
« milieu naturel ». Ah ! Que n’entend t-on pas à ce sujet !
Il faut souligner l’extraordinaire capacité d’adaptation de l’être humain et
comprendre que le milieu naturel d’un jeune né et élevé près de Paris est l’Ile
de France, quel que soit par ailleurs le pays de ses grands-parents. Modibo
Diarra est cosmonaute, son grand-père conduisait des troupeaux au Mali !
Un auditeur fait remarquer que les Indiens
de l’Altiplano bolivien, qui vivent à plus de quatre mille mètres d’altitude,
ont huit litres de sang au lieu de cinq comme c’est le cas ordinairement, cela
leur permet de vivre à l’aise dans leur « milieu naturel ». Mais si
des Européens mettent au monde et élèvent leurs enfants sur l’Altiplano,
ceux-ci auront presque huit litres de sang à l’âge adulte ! De ce point de
vue ils seront bien plus proches de leurs voisins que de leurs parents lesquels
ne dépasseront pas cinq litres et demi malgré vingt années de vie adulte sur
l’Altiplano.
Je fais enfin la différence entre l’identité
et la culture ; l’identité ce sont des éléments très concrets :
taille, âge, lieu de naissance, ascendants, profession, etc. Mais la culture
n’est pas innée, elle est acquise, je vous donne un exemple : Si l’on vous
demande de dessiner une maison française, africaine ou inuit, vous dessinerez
une maison moderne, une case ou un igloo : c’est votre culture acquise qui
vous dicte cela. Pourtant si les igloos existent encore (ils correspondent à
une nécessité naturelle, compte tenu des matériaux locaux), il y a longtemps
que les Africains ne construisent plus de cases ! Mais elles restent dans
les esprits... De même il a fallut que je vienne en France pour que je vois des
boubous et des griots pour la première fois ! Ma culture n’est plus le
tam-tam et la pirogue, c’est l’avion et le téléphone portable (bien plus
efficace que le tam-tam), mais on me reproche d’écouter Beethoven et de trahir
ma « culture » ! Nos repères restent raciaux : la notion de
race est morte, mais son enterrement va durer des siècles !
J’ai un exemple frappant de notre sentiment
de culpabilité : la polygamie a été admise parmi les migrants jusqu’en
1993. Aujourd’hui on la tolère encore parmi ceux qui n’ont pas la nationalité
française, même si, en principe, on ne peut plus l’invoquer pour le
regroupement familial. Cela conduit à des situations ubuesques, des mensonges
qui révoltent les officiers d’état civil, comme ces enfants nés à cinq mois
d’intervalle et attribués à la même mère...
Ce même état d’esprit nous fait enseigner, à
grands frais, les langues africaines, bambara, peul, soninké, wolof, dans les
écoles françaises ; toutes fantaisies qui retardent l’adaptation,
perpétuent l’excision et la polygamie et sont tout à fait contraires à une
saine intégration !
Je
dénonce avec force l’hypocrisie de ces intellectuels dans leur fauteuil qui
crient à l’arrêté « liberticide » quand un maire décrète le
couvre-feu à minuit pour les moins de douze ans : « ces enfants
n’ont-ils pas le droit d’être dans la rue comme
en Afrique ! ». Comme si les conditions d’une ville française
étaient celles d’un village africain ! Ces mêmes hommes ne laisseraient
sûrement pas leurs propres enfants en bas âge errer seuls dans les rues à
minuit !
Pour
résumer mon exposé je dirai : « Oui à la multiracialité, non à la
multiculturalité ! » Il nous faut refuser les migrants incapables de
s’adapter à notre modèle.
Les
Américains ont une devise typique à ce sujet : « America, you love it
or you leave it ! »
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Questions
Pourquoi donc les tribus sont-elles si
importantes en Afrique, aux dépens sans doute des nations ?
Les nations auraient normalement dû jouer un
rôle très important dans le développement de l’Afrique, mais le panafricanisme
a tout brouillé. Le sentiment panafricain est une création des Noirs américains
qui savaient que leurs ancêtres venaient d’Afrique, mais qui ignoraient de quel
pays exactement : Sénégal ?, Guinée ?, Côte d’Ivoire ?,
Nigeria ?,Cameroun ?,Congo ? Angola ? Mais les premiers
dirigeants africains ont commis une erreur pharaonique en attirant les esprits
de ce côté, alors que l’Union Européenne a tant de mal à se construire !
Cela a déconstruit et fragilisé l’idée de Nation et dès les premières
difficultés chacun s’est retrouvé dans sa tribu...
Que pensez-vous de la polygamie admise dans
l’île de Mayotte ?
C’est une aberration, un autre exemple du
sentiment de culpabilité qui nous anime et qui nous fait tolérer que les
Mahoraises n’aient pas les droits des Franciliennes. Il est bien évident que
Mayotte devra un jour prochain choisir entre la France et la polygamie.
Culture et Islam ?
Les jeunes « musulmans » français
sont bien peu musulmans, seule une petite proportion va régulièrement à la
mosquée, respecte l’interdiction de boire du vin et fait un Ramadan rigoureux.
Il est donc essentiel de ne pas les stigmatiser et de ne pas provoquer de
réactions, comme Einstein qui a découvert qu’il était juif quand il a été en
butte aux discriminations des antisémites.
Attachement de ces jeunes à la France ?
Je ferai trois catégories : 1 ) Ceux qui
aiment la France, comme Abdel Malik qui a écrit le livre « Qu’Allah
bénisse la France ! » 2 ) Ceux qui pensent « Nous aimerons la
France quand elle nous aimera ! » 3 ) Ceux qui sont perdus et ne
savent que penser... et qui donc mettent le feu pour appeler au secours.
Que pensez-vous de l’historien, Mr Pétré
Grenouillot qui a écrit que l’esclavage n’était pas un génocide ?
Cela certes lui a valu une volée de bois vert
de la part des intellectuels « politiquement corrects » dont je vous
parlais tout à l’heure. Mais je pense qu’il a quand même raison. L’esclave
était considéré comme du bétail, ou au mieux comme un cheval de course, mais on
n’achète pas un cheval de course pour le jeter dans un précipice.
Quelle est la situation des Métis ?
Les Métis sont considérés comme des Noirs en
Europe et comme des Blancs en Afrique, cette situation défavorable ne peut
s’améliorer que dans le ciment d’une vraie nation et je suis persuadé qu’un
jour prochain la couleur de la peau n’aura pas plus d’importance que celle des
yeux ou des cheveux (ces derniers eux aussi sont noirs, jaunes, rouges ou
blancs !).
Ce
qui me fait homme c’est l’humanisme qui est en moi et qui fait que les
discriminations s’arrêtent, et je terminerai par cette phrase magnifique de
l’écrivain antillais Daniel Maximin « Je suis à la confluence de quatre parties du
Monde : l’Afrique, l’Europe, l’Asie, les Amériques ».
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Livres
de Monsieur Gaston Kelman
« Je suis noir et je
n’aime pas le manioc ». Editions
Max Milo, Paris, 2004
« Au-delà du Noir et du
Blanc ». Editions Max Milo,
Collection Mad, Paris 2005
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