Groupe X-Démographie-Economie-Population

 

Exposé du mardi 5 décembre 2006

 

Perspectives pour le nucléaire dans un nouveau contexte énergétique.

 

 

 

par Pascal Colombani

Membre de l’Académie des Technologies

Administrateur d’Alstom SA, de British Energy Group p. c., et de Rhodia S.A.

Administrateur général du C. E. A. (2000-2002)

Directeur Associé et Conseiller pour l’Innovation, la Haute Technologie et l’Énergie, AT Kearney

Président de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences (2003-2005)

 

           

 

Monsieur Colombani commence son exposé en se présentant : normalien, agrégé en 1969, il passe une thèse de doctorat d’État suivie de deux années à l’Université de Berkeley, puis reste 20 ans chez Schlumberger chez qui, en particulier, il travaillera longtemps aux États-Unis et au Japon. Devenu directeur de technologie au Ministère de la Recherche en 1997, il accède au poste d’Administrateur Général du CEA en 2000 et - à tous les postes mentionnés ci-dessus dans l’en-tête - il convient d’ajouter celui d’ancien président du conseil supérieur d’Areva et d’ancien administrateur de l’Institut Français du Pétrole (2000-2003) et d’EDF (2000-2003).   

 

            « Il y a trois facteurs essentiels qui aujourd’hui conditionnent les perspectives énergétiques : A) L’augmentation importante de la demande, en particulier dans les pays émergents. B) La sécurité d’approvisionnement des économies industrielles et émergentes. C) La perception d’un réchauffement climatique et ses effets environnementaux attribués à la production de gaz à effet de serre. Nous allons voir ces trois points successivement ».

 

            La demande énergétique mondiale augmente de manière inégale selon les sources d’énergie : Progression forte et continue du pétrole et du charbon (cette année 2006 respectivement 4 milliards et 2,3 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (tep) sur un total un peu supérieur à 11 milliards de tep). Progression exceptionnelle du gaz naturel qui passe devant le charbon et devient la deuxième source d’énergie. Progression constante des énergies renouvelables qui restent marginales (essentiellement le bois de chauffage, encore aujourd’hui). Croissance modérée du nucléaire et de l’hydroélectricité qui, réunis, restent en dessous de 10% de la consommation mondiale.

 

            Cette consommation mondiale est très inégalement répartie : en cette année 2006 le Nord-Américain moyen aura consommé 8,1 tep et l’Africain moyen 0,2 tep seulement... Encore aujourd’hui deux milliards d’hommes n’ont pas l’électricité.

 

            L’essentiel est que la demande énergétique explose dans les pays émergents et ne ralentit nulle part. En particulier la croissance chinoise est vigoureuse et très impressionnante, il est tentant de la comparer avec celle du Japon qui a vu sa consommation énergétique per capita multipliée par six depuis cinquante ans, elle était précisément à cette époque très proche du niveau chinois actuel.

 

            Abordons maintenant la seconde question : l’offre mondiale d’énergie et la sécurité des approvisionnements.

 

            Les énergies fossiles fournissent plus des trois quarts des besoins en énergie de l’humanité et les prévisions apocalyptiques (épuisement en 2020, voire en 2010 ! ) sont irréalistes.

 

              Le pétrole et le gaz resteront des sources d’énergie majeures pour notre siècle aidés en cela par les progrès des techniques d’exploration, d’extraction, de transformation et de transport, progrès rendus plus attractifs par les prix élevés.

 

            Il est intéressant de comparer la production annuelle de pétrole avec les réserves connues. Voici les chiffres de 2003 :

            A ) L’ensemble des réserves mondiales était cette année là de 1148 milliards de barils (Gb) et représentait 41 années de production.

            B ) Cet ensemble se répartissait comme suit, par ordre d’importance :

 

            727 Gb au Moyen-Orient, soit 88 années de la production locale actuelle.

            102 Gb en Amérique du Sud, soit 41 années

            102 Gb en Afrique, soit 33 années

              87 Gb en Sibérie, soit 23 années

              64 Gb en Amérique du Nord, soit 12 années

              48 Gb en Asie du Sud-Est, soit 17 années

              19 Gb en Mer du Nord, soit 8,5 années

 

            Ces  chiffres  soulignent  l’importance  économique  et  même   stratégique  du Moyen-Orient, chiffres d’autant plus contraignants que le coût d’un baril de brut (exploration, développement et production) n’y est que de 3 à 4 dollars contre au moins 8 ailleurs (Afrique du Nord exclue), 11 en Mer du Nord, 12 en Sibérie orientale.

 

             Le charbon est abondant et se prête à de nombreuses nouvelles technologies de transformation. D’autres combustibles d’origine fossile, comme ceux des schistes bitumineux, resteront abondants pendant des siècles.

 

            Reconnaissons cependant que la pérennité des ressources fossiles requiert des progrès importants de recherche et de développement :

 

            A ) Les nouvelles zones d’exploration sont d’accès plus difficile et présentent des risques plus élevés, elles nécessitent des techniques nouvelles et des investissements lourds.

            B ) L’exploitation des gisements se fait dans des conditions de performance et de coût impensables il y a trente ans.

            C) Cependant le taux moyen de récupération des fluides n’est encore que de 30 à 35% (18 à 20% dans les années 70).

            D) Les nouvelles technologies de transport et d’utilisation (piles à combustibles, etc.) sont encore coûteuses.

            E) Les effets potentiels des combustibles sur le climat doivent être contrôlés, par exemple en captant le CO2 dans des stockages souterrains.

 

            Pour illustrer ces questions, il est intéressant de suivre les progrès des records des forages en mer. Ceux-ci commencent vers 1960 dans le golfe du Mexique Il faut bien entendu distinguer l’exploration et l’exploitation.

 

            Si les techniques d’exploration descendent assez rapidement (1000m au Gabon en 1972,  2000m en Méditerranée dès 1980, plus de 3000m en 2003 dans le golfe du Mexique), par contre l’extraction et l’exploitation ont pris leur temps : il faut attendre 1986 pour dépasser des fonds de 400m  et en 1995 le record est encore de 1027m (Pétrobras au Brésil). On constate maintenant un certain rattrapage : la Shell et Total font  des extractions par largement plus de 2000m de fond dans le golfe du Mexique.

 

            Le contexte général et les défis de l’accroissement de l’offre pétrolière et gazière restent marqués par des investissements nécessaires très importants et des nouveaux territoires de plus en plus difficiles. Ces investissements sont estimés à plus de 2000 milliards de dollars pour la période 2003-2030. On constate aussi l’apparition de compagnies nationales puissantes à côté des multinationales anciennes, laissant présager à terme une modification profonde des « business models » existants.

 

            Nous conclurons là la question primordiale de la sécurité des approvisionnements et des enjeux géopolitiques majeurs correspondants.

            Les pays importateurs sont essentiellement les États-unis, l’Union Européenne, le Japon, l’Australie et, c’est nouveau, la Chine et l’Inde en plein développement. Notons au passage le cas particulier de la Russie, seule grande puissance industrialisée exportatrice, et même très largement exportatrice.

 

            Les échanges se comptent en centaines de millions de tonnes d’équivalent pétrole par an avec les centaines de milliards de dollars correspondants.

 

            Abordons maintenant la question environnementale.

 

            Vous connaissez tous la corrélation entre la teneur en CO2 atmosphérique et la température moyenne. Certes l’évolution ne joue que sur quelques degrés mais c’est suffisant pour modifier très largement les climats et la météorologie : les grandes glaciations du passé n’ont demandé qu’une baisse de l’ordre de cinq degrés seulement.

 

            Bien sûr il convient de rester prudent devant toutes ces analyses, prudent aux deux sens à prendre en considération : tout d’abord ces analyses sont-elles sérieusement étayées ?  Que valent donc tous ces graphiques que je vous présente en ce moment ? Le doute pouvait subsister jusqu’à ces dernières années, sinon sur les phénomènes eux-mêmes, du moins sur leurs raisons profondes – humaines ou naturelles -,  mais la convergence de tant de d’observations différentes emporte la conviction : l’activité humaine semble en grande partie responsable de ce qui se passe depuis le début de la révolution industrielle et l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre, principalement le CO2 , ne peut plus être négligée. Nous en arrivons donc au second sens du mot prudent à prendre en considération : les conséquences peuvent être si graves qu’il faut sans tarder prendre les décisions qui s’imposent.

 

            Ne nous faisons aucune illusion, toutes les solutions envisagées ont en commun des investissements très lourds – beaucoup moins lourds cependant que les catastrophes menaçantes – et l’on peut retenir les idées essentielles suivantes :

 

            A ) Les systèmes de capture et de stockage des gaz à effet de serre.

            B ) L’utilisation des solutions classiques les moins productrices de gaz à effet de serre, en particulier le gaz naturel.

            C) Il faut aussi bien sûr, utiliser les énergies qui produisent peu voire pas du tout de gaz à effet de serre : l’énergie nucléaire, l’énergie hydroélectrique, l’énergie éolienne, l’énergie solaire.

            D) Enfin notons que l’utilisation de la fusion nucléaire et celle des moteurs à hydrogène ne semblent pas pour un avenir proche. En particulier il ne faut probablement pas voir en la fusion une solution crédible avant le siècle prochain... au mieux. Par contre il est clair que le projet ITER aura des retombées intéressantes dans d’autres domaines.

 

            Pour vous donner une idée de l’efficacité de l’énergie nucléaire par fission, sachez que le parc nucléaire français nous évite d’envoyer chaque année environ 400 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère... Cette forme d’énergie a aussi une grande compétitivité, une disponibilité élevée et les progrès de la sécurité sont remarquables : le nombre annuel des incidents des diverses sortes à été divisé par vingt en vingt ans. Ajoutons que le parc des centrales construit pour fonctionner trente ans donne une telle satisfaction que l’on envisage de le prolonger bien au-delà.

 

            Les faiblesses de l’énergie nucléaire sont d’une part le problème des déchets et d’autre part l’opposition de groupes écologiques « purs et durs », pour des raisons qui vont du questionnement sur la sûreté et la sécurité au refus philosophique de tout développement en passant par le danger de prolifération.

 

            On assiste à un lent renversement de l’opinion affrontant enfin les problèmes réels et le réchauffement climatique. Certes de nombreux pays – Autriche, Italie, Danemark, Irlande, Allemagne – ont fait reculer le nucléaire, ou même l’ont carrément banni, mais la tendance est inverse dans la plupart des nations, en particulier dans les grandes nations  (Inde, Chine, Japon, USA, Brésil, Russie...). Un responsable d’une mégapole du tiers-monde commente cette évolution en ces termes : « L’Autriche, l’Irlande, le Danemark refusent le nucléaire... Mais il s’agit là au total de treize millions d’hommes relativement riches. Ma ville compte près de trente millions d’habitants à elle seule, et un potentiel de développement incomparable ! Je ne peux pas leur refuser l’électricité, même s’ils ne la paient pas toujours, et ma seule possibilité sérieuse est le nucléaire ».

 

            On compte désormais plus de 400 réacteurs en fonctionnement dans le monde dont 104 aux États-Unis (22% de la production nationale d’électricité), 58 en France (80%), 54 au Japon (30%) avec dans ce dernier pays14 réacteurs supplémentaires en construction et 13 en projet... Notons que des pays où le nucléaire est très controversé, comme l’Allemagne et la Suède, en reçoivent quand même respectivement 30% et 50% de leur consommation nationale.

 

            Le programme nucléaire chinois (aujourd’hui 2% de la consommation nationale) prévoit une production de 40 gigawatts : le quart de la consommation nationale actuelle ! Les Indiens prévoient 20 gigawatts, la petite Corée a déjà 4 réacteurs en construction et le projet nucléaire finlandais en cours assurera 27% de la consommation nationale.

 

            On peut dire aujourd’hui que l’énergie nucléaire joue un rôle de plus en plus important, elle assure 17% de la production mondiale d’électricité avec déjà une expérience de près de 10 000 années-réacteurs, une compétitivité soutenue que soulignait déjà le rapport Charpin en 2002, une sûreté satisfaisante sur les quinze dernières années et une fiabilité toujours croissante.

 

            Pour citer quelques chiffres, le Mégawattheure moyen coûte 24 euros avec l’énergie nucléaire, contre 32 avec le charbon ou le gaz et souvent davantage avec le pétrole dont le prix varie beaucoup. D’autre part, pour chaque réacteur, le nombre moyen des incidents de fonctionnement nécessitant un arrêt temporaire du réacteur a été de 2,5 pendant l’année 1985 , il est de moins de 0,04 aujourd’hui !

 

            Quelques mots des progrès de la construction des réacteurs.

            Les générations successives de réacteurs sont conçues à partir des principes suivants :

1)      La sûreté de fonctionnement.

2)      Le réalisme économique

3)      L’économie des ressources naturelles, en particulier de l’uranium

4)      La minimisation de la production de déchets

5)      La minimisation des dangers de prolifération atomique.

 

La puissance des réacteurs modernes dépasse désormais les 1000  mégawatts, le réacteur N4 de Framatome fournit 1450 MW, et il y a une restructuration du paysage nucléaire avec Mitsubishi et Hitaschi au Japon, Westinghouse et Général Electric aux Etats-Unis. Les nouvelles techniques à « sécurité passive » sont à surveiller de très près : elles pourraient bien demain dominer le marché mondial.

 

L’orateur présente une série impressionnante de générations successives de réacteurs, depuis les anciens réacteurs de la première génération jusqu’aux projets futurs de la quatrième génération, en passant par les réacteurs actuels de la deuxième génération (PWR : pressurized water reactors, LWR : light water reactors, BWR : boiling water reactors, CANDU, VVER/RBMK) et ceux en construction de la troisième génération (EPR : european pressurized reactor).

 

L’évolution des PWR est très favorable, le rendement s’améliore sensiblement et le volume des déchets est considérablement réduit. Le volume total des déchets a été de 350 m3  par réacteur pour l’année 1985, il tombe à moins de 100 m3 annuels dès 1995.

Les progrès du traitement du plutonium dans les LWR, avec recyclages multiples, permettent d’entrevoir une consommation totale du plutonium et la division par cent de la radiotoxicité des déchets de haute activité (les actinides mineurs). D’ores et déjà, avec un seul recyclage, on arrive à diviser par huit le volume des déchets à traiter.

 

Bien entendu ce sont ces déchets de haute activité qui posent le plus de problèmes tant en entreposage (en surface) qu’en stockage (en sous-sol). De nombreuses solutions sont à l’étude, elles sont difficiles même en stockage souterrain car la réversibilité des opérations est exigée. Certes de nombreuses structures géologiques se prêtent apparemment bien à des stockages sûrs de longue durée, mais il faut bien évidemment un très haut degré de certitude, heureusement des possibilités de transmutations viennent à notre aide.

Une discussion s’engage avec l’auditoire sur le réacteur expérimental Superphénix et son abandon. Cet abandon est un gaspillage évident et nous sommes en train de perdre notre avance technique alors que des travaux sur les réacteurs rapides au sodium sont menés tambour battant en Chine, en Russie et au Japon...

 

Un rapide tour d’horizon sur les progrès futurs montre l’ardente compétition en cours, les budgets se chiffrent en dizaines de milliards de dollars, des compagnies nationales, japonaises, chinoises, russes, indiennes, américaines sont créées, des solutions de toutes sortes sont étudiées y compris la fabrication directe d’hydrogène plutôt que celle de l’électricité. Le plan énergie des États-Unis prévoit une puissance supplémentaire de 33 gigawatts avec le charbon et 20 à 25 gigawatts avec le nucléaire. En 2004 Exxon Mobil a déposé 12 demandes de permis pour des sites de réacteurs et deux d’entre eux sont déjà accordés, la construction y est déjà largement entamée ( de même 4 sites demandés par Westinghouse, 4 par General Electric, 1 par Framatome...). Le problème principal étant celui du retour sur investissement, la loi américaine accorde désormais toutes sortes de prêt et d’avantages pour développer l’intérêt de l’industrie.

 

L’exemple chinois est très impressionnant. Le 11ème plan prévoit une augmentation de la production d’énergie de 12 à 15% par an ! Cette augmentation s’appuie beaucoup sur les énergies fossiles, en particulier le charbon, mais les principaux gisements sont souvent éloignés des régions les plus développées. De plus les exploitations sont souvent de petites tailles, polluantes et d’efficacité médiocre, aussi le plan prévoit en plus d’une part le développement des énergies renouvelables – des milliers d’éoliennes produiront chacune plusieurs mégawatts (pendant les heures où elles pourront fonctionner) – et d’autre part, ce dernier point étant manifestement très insuffisant, l’énergie nucléaire est privilégiée. Aux sept réacteurs déjà construits vont s’ajouter bientôt six réacteurs en cours de construction ; le plan va plus loin et fait appel aux constructeurs internationaux en les mettant en concurrence avec un art consommé.

 

Conclusions

 

            Alors que l’énergie nucléaire a pu ces dernières années sembler en difficulté devant les assauts des groupes écologistes, elle est aujourd’hui en plein développement car l’équilibre énergétique du monde est devenu plus instable, notamment par l’accroissement très important de la demande des pays émergents.

 

            L’accès aux réserves et la sécurisation des lignes d’approvisionnement (détroit d’Ormuz) sont des objectifs politiques à court terme pouvant créer des conflits majeurs.

 

            L’évolution prévisible des recherches pétrolières et les facteurs environnementaux joueront un rôle de plus en plus important dans le choix des solutions énergétiques.

 

            Le charbon, le gaz et le nucléaire verront leurs parts s’accentuer, mais dans un cadre plus respectueux de l’environnement et des technologies nouvelles.

 

            Les énergies « renouvelables » se développeront mais, sauf bouleversement imprévu, resteront relativement marginales.

 

            De toute façon des investissements très lourds seront nécessaires, à la fois pour optimiser l’exploitation des gisements fossiles, pour accroître les investissements de recherche et développement des nouvelles technologies de génération de l’électricité et pour satisfaire aux exigences environnementales.

_______

 

Questions

 

            J’ai récemment assisté à une conférence de Monsieur Marcel Boiteux et il s’est montré nettement moins optimiste que vous. D’une part à cause des exigences des écologistes qui risquent de rendre le nucléaire hors de prix et d’autre part à cause des dangers de prolifération. Qu’en pensez-vous ?

 

            Je comprends fort bien le point de vue de Marcel Boiteux qui a dû se battre si longtemps face à tous les détracteurs pour construire puis préserver l’industrie nucléaire française. Cependant je suis plus optimiste que lui car j’ai un point de vue plus international : la nécessité s’impose d’elle-même, surtout dans les pays émergents. Beaucoup d’écologistes commencent doucement à changer d’avis et, comparant les dangers du changement climatique à ceux du nucléaire, commencent à devenir plus raisonnables : ils exigent un traitement sérieux des déchets ainsi qu’une grande sécurité de fonctionnement et non un arrêt du nucléaire. Quant aux dangers de prolifération, ils sont indépendants du nucléaire civil : les informations et les moyens existent partout, c’est donc une question de volonté politique et de non-respect des traités.

 

            Doit-on s’attendre à ce qu’il y ait 800 réacteurs en service dans le monde en 2025 ?

            Peu probable... S’il faut faire une prédiction, je dirai un peu plus qu’aujourd’hui peut-être.

 

            Y a-t-il un espoir sérieux de voir repartir les surgénérateurs ?

            Dans le cadre de Génération 4, probablement, on y reviendra.

            Je pense plutôt que les réacteurs à neutrons rapides rendront les mêmes services.

 

            Y a-t-il un problème d’approvisionnement en uranium ?

            Pas actuellement. Les pays producteurs sont essentiellement le Canada, l’Australie et le Niger, lesquels ont de très larges réserves. Ajoutons que le stockage de quelques années de consommation de l’uranium est cent fois plus facile que pour le charbon ou le pétrole, sans parler du gaz.

 

            Quelle place future pour la Russie dans le nucléaire civil ?

            La Russie est grande productrice et grande exportatrice de pétrole et de gaz, mais elle ne néglige pas le nucléaire pour autant, elle y consacre même des moyens importants, en particulier en recherche et développement, et sa part est certainement appelée à grandir.

 

            Pour conclure je dirai que les problèmes principaux restants sont le traitement des déchets, le démantèlement des centrales en fin de vie et ce qu’il reste du culte du secret, lequel alimente les fantasmes des écologistes.

 

            Pour le problème des déchets, dont nous avons vu les grands progrès, je fais surtout confiance au retraitement et à l’enrichissement. La question du démantèlement ne fait guère encore que démarrer, mais elle ne devrait pas être trop difficile. Quant aux problèmes écologiques je note que dans le livre de Nicolas Hulot les aspects positifs de l’énergie nucléaire – essentiellement l’économie des gaz à effet de serre – l’emportent largement sur les critiques. C’est un exemple parmi beaucoup d’autres d’un changement profond de l’opinion publique.

_______